Le bonheur élusif n’est pas qu’une illusion lointaine
L’étrange calendrier qui décide de notre destin temporel a fait en sorte, pendant le temps des fêtes, que tout était un peu décalé. J’ai, comme beaucoup d’entre vous, terminé de travailler quelques instants seulement avant Noël, et je retournerai devant mon poste de travail lundi, le 8, déjà à presque un tiers du mois de janvier.
Peut-être que c’est l’absence de neige ou ma maîtrise inouïe de l’art de garder des journées vides dans mon horaire pour mieux laisser mes neurones respirer, mais cet «hiver» défile à une vitesse ahurissante.
Je n’ai pas retrouvé ma vitesse de croisière idéale pour la lecture, car j’ai manifestement encore besoin d’un peu de repos après une année fort épuisante, mais j’ai laissé tomber quelques lectures pesantes qui ne m’enthousiasmaient guère, et j’ai ainsi pu retrouver un certain souffle. Je me trouve toujours un peu ridicule de multiplier les emprunts de livres à la bibliothèque, car bien souvent il s’agit d’œuvres qui ne m’excitent pas suffisamment pour que je les achète, et je les réserve gratuitement pour économiser. Mais pendant ce temps-là, j’ai des lectures bien plus prometteuses qui s’accumulent sur mes étagères, et je me sens un peu comme si je dépensais des sous en vain pour les acquérir.
Je me dis alors que même si je ne crois pas vraiment aux résolutions du nouvel an, 2024 sera l’année où je lirai majoritairement seulement des livres qui me tentent. Il n’y a rien de pire que de se forcer pour passer à travers un livre qui nous donne l’impression de perdre notre temps.
La pression des résolutions ne convient pas à mon mode de vie, je crois. À 46 ans, j’essaie encore de donner l’impression que je suis un individu responsable, et de faire en sorte qu’on ne remarque pas trop que mon costume d’adulte est parfois très mal taillé. J’ai profité de quelques-unes de mes journées de congé pour faire avancer des dossiers administratifs de la vie de tous les jours que j’avais quelque peu négligés, par épuisement sans doute, depuis un mois ou deux. Je n’ai pas eu l’impression de perdre mon temps, mais je n’ai certainement pas eu beaucoup de plaisir.
Mon autre résolution serait donc de continuer à tenter d’être un meilleur être humain, à mon propre rythme, et de continuer à chasser le bonheur, un état élusif auquel je parviens tout de même à toucher plus souvent qu’à mon tour.
*
Évidemment, un congé ne serait pas bien utilisé sans visionner quelques films. J’ai pris une petite pause de Wenders mais j’ai quand même lu le roman graphique de Stéphane Lemardelé, Le storyboard de Wim Wenders, qui relate sa collaboration avec le maestro lors de son passage à Montréal en 2015, pour le tournage du film Every Thing Will Be Fine, dont l’action se déroule partiellement à Oka. Il y a non seulement là-dedans de belles réflexions sur le cinéma, mais aussi une explication de l’utilité du storyboard pendant un tournage.
J’ai visionné un film de Bong Joon-ho dont on me vantait les mérites depuis plusieurs années, le captivant Memories of Murder (2003). Malgré le sujet horrifiant (un tueur en série qui s’attaque à des jeunes femmes chaque fois qu’il pleut), le réalisateur parvient à nous faire rire avec de l’humour physique et par le biais de la dynamique qui s’installe entre les inspecteurs qui traquent le meurtrier. Des images frappantes, des fausses pistes, la frustration du policier impuissant; un cocktail idéal pour un thriller presque parfait.
Hier, j’ai vu deux films récents.
Tout d’abord Eileen, l’adaptation tant attendue du roman d’Ottessa Moshfegh, sur la timide secrétaire d’une prison pour jeunes hommes, dans les années ’60, qui s’émancipe grâce à son amitié avec la nouvelle psychologue de l’institution. Ma citation favorite? Everyone’s kinda angry here, it’s Massachussetts.
Et ensuite Good Grief, la première réalisation de Daniel Levy (disponible sur Netflix). Pour un film dont les thèmes sont peut-être un peu rébarbatifs (le deuil, les secrets, les espoirs déchus) c’est une très belle œuvre avec un aspect feel good très prononcé, plein de petits moments de grâce, tant à Paris qu’à Londres, et d’extraordinaires personnages.
Je vous laisse sur ce dialogue qui m’a fait sourire :
-It’s a lot of love and misplaced sadness.
-You just described half of Paris.