Salut, ça faisait un bail. Je retrouve l’interface de Substack comme si je mettais les pieds dans une pièce de mon logement dont j’aurais improbablement oublié l’existence, un peu comme dans un rêve, y retrouvant derrière une porte close des objets négligés auxquels je tenais sans me souvenir de leur existence.
Plusieurs mois se sont écoulés depuis ma dernière infolettre. Le temps a parfois passé fort lentement, comme lors d’un malencontreux trip de champignons magiques. Et j’ai parfois eu du mal à trouver une seconde pour vivre tellement les heures défilaient à vive allure dans mon rétroviseur, m’étourdissant au passage.
J’ai eu, pendant chaque heure qui passait, la lancinante envie de créer. En me réveillant le matin, m’extrayant péniblement de sous mes couvertures, jusqu’au soir où, après m’être étourdi devant des séries télé ou le Japon fantasmé de Assassin’s Creed : Shadows, je revenais m’échouer dans mon lit pour m’y évanouir.
Il devient de plus en plus difficile de m’extraire de mes longues séances de doomscrolling. Vous comprendrez sans doute qu’avec l’actualité qui ne s’améliore guère, c’est comme si on assistait à l’effondrement de la civilisation au ralenti, mais en temps réel. Souvent, quand je me retire dans ma chambre pour lire avant de dormir, je finis par réaliser avec stupéfaction que ça fait 35 minutes que je fais défiler des publications idiotes sur Facebook et je me couche sans avoir même ouvert mon livre. Donald Trump dirait : “SAD”.
Tel est le lot des gens qui se sont pris un bout d’orteil dans l’engrenage du capitalisme. Je loue le meilleur de mon énergie cérébrale à mon employeur, et je dois me débrouiller avec ce qu’il m’en reste à la fin de la journée. Un cercle vicieux inéluctable. Un système auquel je participe avec mon plein consentement. Or, il demeure difficile de ne pas rêvasser à une réalité alternative où l’impératif de bien gagner sa vie ne serait pas un enjeu.
C’est là qu’on en est : rêver à tue-tête d’avoir assez de temps et / ou d’énergie pour créer. Mes lecteurs assidus me diront qu’on en est à ce point depuis un certain temps, et ils auront raison.
Je n’ai découvert aucune vérité absolue pendant les quelques mois où j’ai délaissé ma discipline, mais j’ai visionné un nombre impressionnant de films, et j’ai lu quelques romans, quand même. J’ai voté par anticipation, j’ai assisté à un souper d’inconnus, j’ai fini le module d’italien de Duolingo et entamé le portugais brésilien, je suis allé à Madeira et à Lisbonne, je suis allé à Shawinigan, il s’est passé dix milles choses au boulot, j’ai parcouru des centaines de (faux) kilomètres sur mon rameur, j’ai découvert un peu bourgeoisement que les airpods étaient un game changer pour prendre des marches, et ce soir je vais mixer de la musique électronique dans un party de fête. Depuis 2018, je n’ai pas touché à des platines. Espérons que mon talent de DJ ne s’est pas rabougri avec le temps.
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Parlant de sortir de sa zone de confort, je participe encore une fois cette année à la soirée de financement du Festival Jamais lu, qui aura lieu mercredi prochain, le 30 avril, au Théâtre Aux Écuries. Comme j’aime bien me lancer des défis un peu intenses, j’ai co-écrit avec Marianne Dansereau le texte que nous interpréterons à la soirée. Mon premier texte de théâtre! Et je ne devrais pas être surpris, mais je le trouve pas mal divertissant et drôle.
Je sollicite donc votre aide, car le but de tout ça demeure de ramasser des sous pour le festival. Je sais que les temps sont durs pour plusieurs, mais ils le sont aussi pour la culture, et particulièrement pour les arts vivants. J’en suis à 35% de mon objectif de 1000$ et la soirée arrive vite.
Si vous voulez faire un petit don – la plateforme suggère 50$, mais vous pouvez donner moins que ça, chaque dollar compte – c’est par ici : FAIRE UN DON.
Vous pouvez aussi – et cette option est encore plus l’fun – assister à la soirée de mercredi, ce qui vous donnera non seulement l’occasion de me voir interpréter mon texte, mais aussi de profiter d’un maudit bon show, les autres textes étant tout aussi épatants. Pour 160$ par billet, vous obtenez un reçu pour les impôts, une soirée avec bouchées et bar ouvert, et un très bon spectacle. Mais aussi le petit picotement d’endorphines subséquent qui arrive quand on pose un bon geste. C’est vraiment un bon deal.
C’est par ici pour ACHETER UN (OU PLUSIEURS) BILLET(S) POUR LA SOIRÉE. [Très important de choisir mon nom dans le petit menu déroulant pendant votre achat.]
Je vous remercie du fond du cœur.
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Au début des années 2000, avant de devenir romancière, Emmanuelle Lambert a travaillé pour une fondation avec des adresses à Paris et en Normandie, et elle a été choisie par «Le chef» pour superviser le montage d’une exposition sur Alain Robbe-Grillet, ses romans et ses voyages.
Elle a donc frayé avec Robbe-Grillet et sa femme Catherine, une femme de petite taille qui en imposait, libre jusqu’au bout des ongles, et organisatrice de «mises en scène» S&M. Elle raconte dans Aucun respect ces années formatrices, la personnalité vieux jeu mais très puissante du «Pape du nouveau roman», son narcissisme, ses contradictions. Sa foi aveugle en son propre talent qui le fera publier un roman de fond de tiroir mâtiné de pédophilie fantasmée, qui noircira sa légende en fin de carrière.
C’est très bien écrit, évocateur, à la fois tendre et lucide. Le genre de récit qui nous donne envie d’en savoir plus, de lire davantage, de laisser notre marque quelque part sur le monde.
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Vu récemment un film inclassable de Miguel Gomes, Grand Tour, un "road trip" métaphysique et fort étrange qui traverse l'Asie de 1918 sans se soucier d'éviter les anachronismes.
Alternant entre la couleur et le noir et blanc, rythmé par des interludes de théâtre de marionnettes et d'ombres chinoises, le film a valu le prix de la mise en scène à Gomes l'an dernier à Cannes.
On y suit le périple d'Edward (Gonçallo Waddington), qui fuit Rangoon en apprenant que sa fiancée Molly (Crista Alfaiate), qu'il n'a pas vue depuis sept ans, arrive bientôt pour concrétiser leur plan de mariage.
Le film est narré par différents personnages anonymes, dans la langue du pays où se trouve Edward, narrateur qui change donc dès qu'il traverse une frontière. Cet antihéros de peu de mots, un diplomate qui ne sert pas à grand chose, se laisse guider par le destin et rencontre un prince thaï, est expulsé du Japon, se perd dans une forêt de bambou en Chine, toujours craintif que sa fiancée le rattrape. La deuxième partie du film est consacrée à celle-ci, et à sa version de l'histoire.
Adapté de W. Somerset Maugham, c'est un délire cinématographique plutôt charmant, une ode à l'appel de la route, aux rencontres fugaces, à la découverte du monde. Le cinéma portugais, aussi rare soit-il, se porte très bien.
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Voici des liens réjouissants, mais qui datent. Je les ai déversés ici à mesure que je lisais les reportages en question, puis j’ai cessé. Je recommencerai. Éventuellement. Mais rassurez-vous : le fait qu’ils ne soient pas du tout dernier cri n’en diminue pas la pertinence.
▼ Dans La Presse, un dossier sur les nouveaux codes vestimentaires des néo-nazis.
▼ Dans le New Yorker, un reportage sur les incendies de Los Angeles, vus de l’intérieur du brasier.
▼ Dans le Urbania, un reportage sur les sans-abris qui campent dehors par grand froid.
▼ Dans le New York Times Magazine, un reportage de James Forman Jr. sur une expérience carcérale risquée.
▼ Chez Panorama Cinéma, un hommage de Simon Laperrière au Guzzo.
▼ Dans le New Yorker, un reportage de Jon Lee Anderson sur la chute de la Syrie.
▼ Dans La Presse, une lettre ouverte de Michael Sabia sur les grandes orientations d’Hydro-Québec face aux pressions politiques des USA.
▼ Dans le New Yorker, un reportage sur la crise de recrutement que vit actuellement l’armée américaine.
▼ Dans l’Actualité, un portrait de Pierre Poilièvre.
▼ Dans La Presse, un plaidoyer de Kev Lambert pour un meilleur financement des arts au Québec.
▼ Dans The New York Review of Books, une entrevue captivante avec Sally Rooney.
On se reparle bientôt?
Quel plaisir de te relire Pierre-Alexandre!